Les verreries de la forêt de Sainte-Croix-Volvestre

Écrit par Ch. Miramont    11-02-2012

Longtemps la forêt de Sainte-Croix a été le refuge de gentilshommes-verriers.

Cette forêt est intéressante à plus d’un titre. Peuplée de sapins et de hêtres, végétation habituelle de l’étage montagnard, elle est, dans sa composition, la plus basse d’Europe en altitude (entre 325 et 470 m) et serait une relique de l’époque glaciaire. Elle fut donnée en 1263, en partie semble-t-il, par Gentille de Gensac au prieuré voisin de Sainte-Croix de l’ordre de Fontevraud. Elle lui appartint jusqu’à la Révolution.

Des conditions favorables

Tous les matériaux nécessaires à la fabrication du verre se trouvent réunis ici. Outre le bois dont l’Art et science du verre fait une grosse consommation, il y a de nombreux bancs de grès et de calcaire qui fournissaient la silice et la chaux. Les fougères y poussent également en abondance et leurs cendres servaient de fondant pour abaisser le point de fusion du mélange. Ces verres de fougère étaient très recherchés au XVIe siècle car ils avaient la réputation de se briser si on y versait du poison.

Des gentilshommes-verriers protestants

Dès cette époque, des gentilshommes-verriers venus de Gabre, à l’est du Mas d’Azil, s’installent dans le pays. Le premier verrier dont on a une trace est Pierre de Grenier qui teste à Fabas en 1549. A peu près à la même époque est mentionné Pierre de Verbigier. Plus tard vient la famille de Robert.

Tous sont nobles, mais ils ont obtenu le droit de fabriquer du verre, donc de travailler, sans déroger. Ils sont aussi protestants, et pratiquent leur art en marge de la forêt appartenant au prieuré…

Chaque verrerie appartient à un « maître », et pendant la campagne de fabrication qui se déroule en hiver et qu’on appelle « la réveillée », plusieurs verriers s’associent le plus souvent entre proches parents.

Une verrerie (Encyclopédie)

Un creuset
Ouverture : 85cm ; hauteur : 60cm (Musée de Sainte-Croix-Volvestre)

Les gentilshommes-verriers sont présents à chaque étape de la fabrication. Qu’il s’agisse de la fonte des matières premières dans des creusets d’argile réfractaire placés  dans le four , la température étant portée à environ 1000° pendant deux à trois jours. Qu’il s’agisse, après avoir recueilli le verre à l’état visqueux, de le  souffler, de le découper, etc. pour en faire bouteilles et verres.

 

Flacon et verre de Sainte-Croix

Selon la charte de 1445 qui règlemente leur activité, Les gentilshommes-verriers ne peuvent écouler eux-mêmes leur production. Le transport des charges de verre (appelées « grosses ») et leur vente font vivre un certain nombre de paysans, dont ceux de Tourtouse qui semblent s’en faire une spécialité. Le verre du Volvestre a Toulouse pour débouché principal (Musée du verrier, Saint-Nicolas-des-biefs, 03)

Les verreries ont été en activité durant les XVIIe et XVIIIe siècles. Elles se sont éteintes les unes après les autres dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Il est difficile aujourd’hui de retrouver la trace des verreries itinérantes qui étaient les plus nombreuses. Lorsque le bois venait à manquer en effet, on se transportait ailleurs, car il était moins onéreux de construire de nouvelles installations que de charrier de grandes quantités de bois pendant des années. Une fois abandonnées par les verriers, les verreries étaient détruites pour ne pas tomber dans des mains roturières et les clairières de défrichement étaient mises en culture (Maharage, Le Berreté, La Verrerie, Le Bernès).

Un circuit de randonnée dessert deux anciennes verreries : Porteteny où s’est éteint en 1853 le dernier « artiste verrier » Jean de Verbizier. Comme ses ancêtres protestants, il fut enterré dans le petit cimetière en contrebas de sa maison aujourd’hui en ruines (elle fut habitée jusqu’en 1945) ; la forêt a repris possession du site.

La plus imposante est la verrerie de Labourdette, immense bâtisse carrée avec ses murs de 20 mètres de long, où oeuvrait une famille de Grenier, perdue elle aussi dans les bois…

Les murs de Labourdette

Le cimetière familial de Porteteny

 

 

Ce sujet a fait l’objet d’un ouvrage écrit par Christiane MIRAMONT

LES VERRIERS DES FORÊTS DE SAINTE-CROIX ET FABAS

ISBN 979-10-91148-36-8

Éditions ln extenso
Lieu-dit Laranès, 31310 Canens
05 ó1 90 29 15
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