La papeterie du Couserans

Écrit par J-M. Minovez 03/11/2011

La papeterie du Couserans est un patrimoine industriel menacé.

En Couserans, la fabrication du papier remonte au XVIIe siècle. Le travail se fait alors à la main.

Ce sont essentiellement les vieux tissus qui, après délissage, pourrissage et broyage, servent de matière première à la pâte à papier, le bois n’étant utilisé qu’à partir du milieu du XIXe siècle sous forme de copeaux.

Lorp, maison des Bergès. Emblème des maîtres-papetiers (pontuseaux)

Avant d’être transformée en feuilles, la pâte à papier est battue dans des moulins à maillets construits le long du Salat et du Lez. En 1794, on en compte huit. Les clients sont d’abord locaux et régionaux. L’Espagne, avec ses colonies américaines et leur besoin en papier fin (cigarettes), est aussi un débouché du papier local. La production, en crise lors de la Révolution et de l’Empire, repart ensuite.

En 1838, Jean Bardou, boulanger à Perpignan, a l’idée de proposer à la vente des petits cahiers de feuilles à cigarettes, qu’un représentant de commerce toulousain, J. Zacharie Pauilhac diffuse à partir de Toulouse partout dans le monde méditerranéen. Le succès est grand. Pierre Bardou, le fils du boulanger, peut alors construire plusieurs usines J0B (sigle qui englobe les initiales de Jean Bardou) à Perpignan, Toulouse, Eycheil (La Moulasse, 1875), etc.

Eycheil, usine de La Moulasse.

Ancien sigle JOB

Eycheil, La Moulasse

Entre-temps, sous l’impulsion d’autres familles dynamiques, les Foch, les Court, les Bergès, etc. et pour les besoins des journaux régionaux, on passe en Couserans de l’artisanat à l’industrie papetière. Les papeteries industrielles qui utilisent désormais des techniques et du matériel modernes, dont des machines à feuille continue (Fourdrinier) et des défibreurs de bois, essaiment dans le bassin du Salat.

L’histoire d’Aristide Bergès est représentative de ce développement  auquel il participe. Après des études de chimie à l’Ecole Centrale, ce fils d’un maître-papetier de Lorp, qui ne s’entend pas avec son père, installe une usine à Mazères. C’est le début d’une vie consacrée à la papeterie et à ses progrès techniques: perfectionnements des machines à feuille continue, invention du défibreur hydraulique, etc.

Toulouse, cimetière de Terre Cabade.

Tombeau d’Aristide Bergès et de sa femme Marie Cardailhac (1904).

Tombeau d’A.Bergès.

Bas relief : l’usine de Lancey

Tombeau d’A.Bergès.

Turbine hydraulique

En 1867, il quitte les Pyrénées pour les Alpes du nord où il s’installe définitivement. A Lancey, près de Grenoble, pour les besoins de la « râperie » qu’il a construite et de ses défibreurs dévoreurs d’énergie,  il met au point une turbine hydraulique alimentée par des conduites forcées. L’adjonction d’une dynamo permet plus tard de produire de l’électricité. Bergès est ainsi à l’origine de la « houille blanche », expression dont il est aussi l’auteur.

La papeterie du Couserans et la production de papier à cigarettes connaissent leur âge d’or vers 1920-1930. En 1946-1947 les sept usines du bassin de Saint-Girons emploient encore plus d’un millier d’ouvriers, dont 1/5e de femmes. A Lédar, par exemple, travaillent 235 personnes. Mais ensuite les difficultés s’accumulent. La concurrence des grandes usines (et des cigarettes) américaines et scandinaves entraîne le déclin progressif de la papeterie locale.

Lorp a fermé en 1999, Mazères plus au nord (où Lacroix venu d’Angoulême s’était installé en 1963) en 2002, Lédar en 2008. Il ne reste actuellement que l’usine de La Moulasse, ancienne usine JOB passée aux mains du grand groupe américain Sweitzer-Mauduit, et l’usine Martin d’Engomer, dernière entreprise familiale.

Mazères, le bâtiment La Croix

Eycheil La Moulasse, vue générale