De Plagne au vallon de Pouèges
Sur les traces des potiers d’autrefois.
Écrit par S. Piques, G. Pradalié 12-03-2007
Vue générale de Plagne
Plagne est un petit village fondé en 1303 en paréage par la commanderie des Templiers de Montsaunès, juste avant la dissolution de leur ordre, et par un petit seigneur local, Raimond d’Aspet qui était aussi seigneur de Bérat. De son plan primitif de bastide, il a gardé deux rues est-ouest, mais on devine au sud le tracé de deux autres rues de même direction. Les lots à bâtir (localia) sont de dimensions exceptionnelles (environ 12m x 28m). A l’extérieur, à l’ouest, s’étendaient des quartiers de casalères, jardins ou parcelles cultivées en continu. Enfin, le terroir comptait un certain nombre de bordes, peut-être des granges, dépendantes des maisons du village et noyaux de futurs hameaux.
La visite du village permet de repérer des maisons dont la largeur est celle des lots à bâtir d’origine, l’emplacement du four banal malheureusement disparu et celui de l’église médiévale, laquelle se dressait à l’angle nord-ouest du cimetière. Cette église a été démolie et déplacée en 1895. L’édifice actuel abrite, entre autre, un magnifique bénitier dont la croix de Malte rappelle les origines templières du village.
Plagne a été à une époque plus récente un village de potiers. Cette activité fut essentielle de 1530 à 1840 approximativement. Elle participa, au même titre que la création de la bastide médiévale, à l’évolution spatiale de l’habitat. De la même façon que les mines du Nord de la France générèrent un type d’habitat particulier, les corons, l’activité potière est en partie responsable de la mise en place de noyaux d’habitat dispersés. Des hameaux entiers de potiers se développèrent dans les anciennes bordes, regroupant parfois plusieurs familles autour de fours communs. Les chantiers et les labours font remonter chaque année de nombreux tessons issus des dépotoirs de leurs ateliers. Ces restes, témoignages touchants de leur travail, inscrivent Plagne dans une région et un phénomène plus large, un «territoire industriel» tourné vers la céramique, dont Martres-Tolosane constituait le centre.
Dans la rue principale, au cœur de la bastide, on peut distinguer sur le plan cadastral ancien un bâtiment. Il s’agit d’un four communal qui servait à cuire la poterie mais aussi le pain. L’élargissement anormal de la rue témoigne de son existence autrefois.
Les rebuts de cuisson issus des dépotoirs et recueillis par ramassage de surface permettent de connaître les types de poteries fabriquées.
Aux XVIème et XVIIème siècle, les potiers façonnaient essentiellement de la vaisselle décorée selon une technique venue d’Italie. Celle-ci consistait à graver des décors sur une couche fine de terre blanche appelée « engobe ». Elle donnait des céramiques dites à décor «grafitto».
Bénitier : Vierge à l’enfant |
Buste de personnage à collerette |
Noeud de salomon |
Par la suite, et ce jusqu’à la fin de l’activité, au milieu du XIXème siècle, les décors se simplifièrent et les formes évoluèrent. Les motifs étaient alors constitués de points blancs ou de coulures vertes ou jaunes qui ornaient cruches et jattes.
Plats décorés
Cette activité potière née à la Renaissance dans le village de Plagne fit ensuite tâche d’huile. Des tuileries et des faïenceries s’installèrent à Montclar-de-Comminges, Roquefort-sur-Garonne et Mauran, trois villages voisins de Coutz.
Coutz
A environ 4 km à l’ouest-nord-ouest de Plagne, Coutz était non seulement une paroisse mais une seigneurie. |
L’église Sainte-Marie s’élevait à 200m
au nord-ouest du hameau Le Picart.
Elle avait été donnée en 1279 à Montsaunès et existait encore au début du XIXe siècle, avant qu’elle ne tombe en ruine et disparaisse, sa paroisse ayant été partagée à la Révolution entre Plagne, Montclar-de-Comminges, Mauran et Roquefort-sur-Garonne.
Il n’en reste que l’emplacement : une grande parcelle ovale surélevée limitée par une auréole de haies sur le tracé possible d’un fossé.
Ce sont les seigneurs de Coutz, dont certains étaient entrés chez les Templiers, qui avaient cédé leurs droits sur Coutz (et sur Plagne) à Montsaunès. Des doutes subsistent sur la localisation de leur château. Se trouvait-il au hameau Le Picart, ou à La Rouquère au dessus de Montclar, ou à Pouèges? Dominant le carrefour du chemin qui va de Coutz à la Garonne et du vieux chemin qui vient de Montclar, se dresse encore une vieille et lourde bâtisse en ruine, avec mur de refend est-ouest, protégée à l’est par un fossé sec. La faible épaisseur et le médiocre appareil de ses murs, ses ouvertures basses et ses conduits de cheminée en brique en font un édifice de la fin du Moyen Age (XIVe-XVe s.). De ce château de Pouèges, on aperçoit la plaine de Martres.
En mars 1814, un témoin anonyme y vit passer l’armée anglo-portugaise en route pour Toulouse et grava son témoignage dans la pierre.
Au nord de ce château, un vallon aujourd’hui boisé descend vers la Garonne, longé par un chemin. Les faïenciers de Martres l’empruntaient autrefois pour se ravitailler en bois et en terre. Sur sa droite en descendant on remarque, masquées par les fourrés, les cavités laissées par leurs carrières. Nous sommes là sur la couche géologique dite des marnes d’Auzas. Marnes, qui, comme le précise la carte géologique, étaient utilisées par les faïenceries et poteries de la région. Sur sa gauche, en contrebas, se voient les ruines d’une ancienne faïencerie, devenue tuilerie, puis derechef faïencerie. Le four, entouré des ateliers, est encore là, mais pour combien de temps ?
En contrebas de cette faïencerie de Coutz-Pouèges, on peut remarquer les restes d’un moulin dont l’arche audacieuse enjambe le ruisseau. Au bas de la côte subsiste un petit pont de pierre avec sa niche qui servait à abriter une vierge ou un saint local. Enfin, dans le prolongement du chemin, une fois passée la route, on trouve l’ancien emplacement du bac qui servait à traverser la Garonne et rejoindre Martres-Tolosane.
Ce «camin» très pratiqué servait de lien entre la plaine de la Garonne et le Couserans à travers les Petites Pyrénées. Il faut imaginer le vallon «fourmillant» de vie. La simple observation des vestiges laissés par les anciens ou l’étude de la végétation fortement anthropisée en témoigne. Mais désormais, redevenu un petit val endormi au milieu des bois , il ne reste que des randonneurs pour troubler sa quiétude.
Pour en apprendre plus :
Charles Higounet, « Une bastide de colonisation des Templiers dans les Pré-Pyrénées: Plagne « , Annales du Midi, 1949, p.81-97.
Gabriel Manière, » Les deux bénitiers et la cuve baptismale de Plagne », Revue de Comminges, 1978, p.479-483.
Stéphane Piques, Approches du village-potier de Plagne 1530-1840, mémoire de maîtrise d’Histoire, Université de Toulouse-Le-Mirail, sous la direction de Serge Brunet (octobre 1999), 172